extrait du film « Les livres c’est bon pour tous les bébés »

Pour que les tout-petits, quel que soit leur milieu familial, et leurs familles s’approprient au mieux l’objet livre et la langue du récit, A.C.C.E.S. a inventé, il y 30 ans déjà, sa méthode : la lecture individuelle dans un petit groupe.

De manière ludique, chaque petit enfant dans le groupe peut écouter le récit du livre qu’il a lui-même choisi, et cette lecture est répétée autant de fois qu’il la redemande. On reproduit ainsi les bienfaits d’un premier contact avec les livres, selon les propres choix de l’enfant. Ensuite cette pratique se poursuit naturellement à la maison avec les tout-petits et avec les plus grands, comme un jeu.

Nous respectons ainsi les choix du petit enfant, et ceux-ci sont déjà très affirmés dès le plus jeune âge. Ainsi qu’on le voit dans le film d’A.C.C.E.S. « Les livres c’est bon pour tous les bébés » la lectrice lit à un seul enfant, dans le groupe, et les autres attendent leur tour avec la lecture du livre qu’ils ont choisi ; ils écoutent l’adulte ou bien ils s’écartent, selon leur choix et leurs envies.

Au fil des séances de lecture, les enfants enrichissent leur vocabulaire, jouent avec les sonorités des nouveaux mots et s’approprient le langage, de manière ludique. Aucune explication de l’ordre d’un apprentissage n’est donnée : nous restons dans une activité ludique particulière à cette activité de lecture, proche de la diction des comptines et des premiers contes, mais différente, et toujours en lisant fidèlement le texte. Ainsi selon les notions de Donald Winnicott (1) nous sommes dans le registre d’un « playing » qui précède le temps du « game » : dans ce stade du jeu-play- qu’il distingue du jeu-game – soumis à des règles impliquant un apprentissage (comme pour les sports ou tous les jeux impliquant des règles. Nous restons ainsi dans une activité ludique qui structure en premier la pensée, et aussi le langage oral comme la langue écrite à ses débuts (2) 

Il s’agit pour nous de construire des projets dans la durée, notamment pour mieux approcher, sur un temps long, de nouvelles familles et de nouveaux lecteurs. Aussi notre démarche se relie obligatoirement pour A.C.C.E.S. à un travail étroit avec les services de bibliothèque « dans et hors les murs ».

En effet, c’est seulement avec les bibliothèques que vont se construire des projets durables, incluant la scolarité. Le choix des albums proposés, la connaissance et les pratiques pour mieux approcher ces publics plus ou moins proches ou éloignés des livres se relient obligatoirement pour A.C.C.E.S. à un travail avec leurs équipes, en partenariat avec les services de la petite enfance, pour assurer la durabilité du lien avec les livres et la lecture durant les années à venir.

C’est une démarche majeure, pensons-nous : pendant la période des acquisitions ludiques, construire les fondations avec ces premiers liens solides et individuels avec le livre et l’écrit. Et il importe que ce soit prolongé dans la durée avec les bibliothèques (y compris avec leurs projets  » hors les murs »). Certes, nous nous appuyons également sur l’universalité des premières transmissions orales et chaque petit enfant emmagasine les premiers trésors des comptines, chants, premiers contes de langue orale. Il nous faut également prévenir l’énorme fossé qui menace les «décrocheurs» entravés surtout par leur manque d’agilité avec les formes écrites du langage.(3) 

C’est ainsi, en lisant des histoires selon le choix de chacun, principalement pour les familles éloignées des livres que va s’étayer valablement la prolongation durable d’un premier capital avec les livres et avec l’écrit où cette question du choix de chaque individu singulier des lectures qu’il va aimer est fondamental.

En privilégiant, avant et à côté de l’apprentissage de la lecture, les liens privilégiés avec les livres pour les générations à venir, nous construisons en même temps de façon certaine des meilleurs résultats scolaires (ainsi que l’ont démontré les recherches menées sur plusieurs années associées au Projet Book Start .

Un tel enjeu restant d’ailleurs la raison première de l’engagement des professionnels de la neuropsychiatrie infantile dans A.C.C.E.S.

Les projets incitant à cette première ouverture à la lecture portés par les bibliothèques se sont développés, essaimant en France avec le dispositif Premières Pages du Ministère de la Culture et dans le monde. L’efficacité des projets tablant sur un premier commerce avec les livres dès les premières années, alors que les familles sont directement concernées dans une première expérience ludique n’est plus à démontrer.

Mais l’approche individuelle par chaque enfant de « l’objet livre » reste encore à développer, ainsi que la continuité de tels temps de lecture individuelle dans un groupe avec ensuite les relais pour les enfants scolarisés. Nous devons encore œuvrer pour que de telles actions soient menées avec rigueur pour cibler les familles les plus écartées du livre.

Ainsi la méthode soutenue par d’A.C.C.E.S. avec la mise en œuvre de lectures individuelles dans un petit groupe est le creuset de multiples investissements durables dans les champs divers du Livre et de la Lecture, que ce soit le domaine des apprentissages comme celui des pratiques culturelles. 

Marie Bonnafé

(1) De la pédiatrie à la psychanalyse. Donald W.Winnicott. Payot. 1958. 

(2) Voir aussi les travaux d’ Emila Ferreiro et d’Evelio Cabrejo Parra

(3) L’Enfant et la peur d’apprendre. Serge Boimare. Dunod. 1999 

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